La publication du 10 avril 2023 ayant suscité plusieurs commentaires, je vous explique avec plus de détails. Voir la publication ici.

D’ailleurs j’ai reçu des demandes de sources et je tiens à dire que J’ADORE lorsque ma communauté se montre critique et à l’affut des informations! C’est avec ce regard que nous serons en mesure de démystifier les pratiques en allaitement.

Parlons dans un premier temps de la composition du lait maternel qui évolue tout au long d’une mise au sein ou d’une expression de lait.

Depuis plusieurs années déjà, les études ont mis de l’avant des différences quant à la composition nutritionnelle du lait maternel. Ce sont ces études qui ont menées à l’utilisation populaire des termes lait de surface, lait de début de tétée et d’autres. Toutefois la science continue de faire son bout de chemin et on se doit de nuancer maintenant l’utilisation de ses termes.

On aimerait faire simple en disant que le lait de surface est faible en gras et riche en lactose (humain, pas de vache!). C’est vrai, mais encore faut-il nuancer les choses!

La première nuance, le délai entre les expressions/tétées. Cet élément n’étant pas toujours précisé dans les diverses études, on arrive tout de même maintenant à affirmer que cette durée impacte l’analyse de la composition du lait. Ainsi la durée du temps où le lait est « stocké » dans le sein va impacter, mais aussi la capacité de stockage d’une maman versus une autre!

Vous commencez à comprendre la notion de nuance ici!

Ce que l’on déduit des études, c’est que le lait qui demeure présent plus longtemps dans le sein d’une maman a tendance à être un peu moins riche en gras en début de récolte. Les particules grasses du lait ayant tendance à se fixer aux parois des canaux dans le sein.

Ex : Maman est en sortie avec des amis, elle n’a pas allaité depuis 4 heures et décide d’exprimer son lait juste un peu pour se soulager. Le lait exprimé dans les premières minutes risque donc d’être un peu moins « gras » et plus riche en lactose.

Ex. : Cette même maman vient tout juste d’allaiter son bébé et elle réalise une séance d’expression pour sa réserve de lait. Le lait qu’elle va exprimer juste après un boire ne sera donc pas « moins gras » en début d’expression versus fin d’expression.

Maintenant, voyons comment la composition du lait peut-elle impacter sur les maux de ventre « coliques » de bébé.

Le lactose humain est un glucide complexe qui demande un processus de digestion plus « exigeant » pour permettre son assimilation dans le corps de bébé. Ce processus de digestion est tout à fait normal et sein (quel jeu de mots)! D’ailleurs notre lait humain est le plus riche en lactose étudié à ce jour…pas étonnant que le cerveau de nos bébés puisse se développer à vitesse grand V.

Il y a un lien entre la teneur en gras du lait et la vitesse d’absorption du lactose. Pour faire simple, lorsque le lait est « moins gras », le corps va devoir traiter un plus grand volume de lactose à la fois.

Pour certains bébés seulement (parfois pour une période seulement), il pourrait y avoir un impact sur le confort digestif de bébé. Selles vertes, selles plus explosives, augmentation des gaz et observation de tortillements plus importants étant des exemples des manifestations d’une « gestion du lactose en grande quantité ».

Les coliques, ce sont des maux de ventre. Il y a plusieurs définitions à ce terme et les causes vont de l’inconnue à des explications médicales comme les allergies et le RGO. Je pourrais écrire un livre complet sur la gestion des coliques versus l’accompagnement des pleurs versus les troubles digestifs du bébé versus l’adaptation à la vie extra-utérine…mais c’est un autre sujet!

Voyons maintenant comment l’utilisation d’un récolteur de lait, ou un tire-lait passif peuvent entrainer des maux de ventre « coliques » chez le bébé.

Il n’y a pas une étude scientifique qui traite spécifiquement de cette question, du moins pas selon mes recherches! La mise en marché et l’engouement pour ce type de produit étant plutôt récent. C’est donc l’analyse des données, le partage entre consœurs IBCLC et l’observation « terrain » qui permet de faire les liens suivants.

Le tire-lait passif permet de récolter le lait « stocké » dans le sein de la mère*. Pour y récolter du lait il faudra donc que maman puisse avoir soit passé un moment sans allaiter/exprimer, soit avoir une bonne capacité de stockage + un réflexe d’éjection, soit une surproduction/forte production lactée. C’est de là qu’on parle d’une récolte de lait de surface.

Lorsqu’une maman utilise un récolteur sur une base quotidienne, elle pourra ainsi cumuler plusieurs petites récoltes de lait maternel. À partir d’ici, plusieurs scénarios sont possibles :

  • Si seulement le lait récolté passivement est offert en remplacement d’un boire au sein, il est donc possible que le bébé soit exposé à un taux de lactose vs matière grasse qui favorise les inconforts digestifs.
  • Si le lait récolté passivement est offert en complément d’une mise au sein, le bébé aura donc une composition de lait plus « balancé » en fonction des multiples facteurs qui peuvent influencer le boire.
  • Si le lait récolté passivement est mélangé à du lait récolté soit manuellement ou avec un tire-lait électrique, avant d’être offert à bébé pour remplacer un boire, on aura alors un lait avec plus de variances dans les teneurs lactose/gras. **

* Le fait de ne pas récolter de lait avec un récolteur passif, tout comme un tire-lait, ne permet aucunement d’affirmer qu’il n’y a pas de lait ou un manque de lait!

** Il y a une multitude de facteurs à considérer ici. La fréquence des expressions, la qualité de la stimulation, les manipulations du lait exprimé, la gestion quotidienne des expressions de lait, etc.!

Dans tous les cas, voici ce qui est important de retenir!

  • Le lait maternel est parfaitement adapté pour répondre aux besoins de votre bébé qu’il soit récolté via un tire-lait ou passivement n’y changera strictement rien.
  • Ce ne sont pas tous les bébés qui vont avoir des défis de digestions face à l’abondance de lactose. Un bébé qui fait des selles vertes, mais qui ne présente aucun autre symptôme par exemple sera sans incidences. On va donc ajuster nos recommandations seulement si la situation avec bébé l’exige!
  • Il est possible de mettre en place des mesures pour favoriser un meilleur confort digestif de bébé lorsque la situation le requiert. Par exemple on pourrait proposer de mélanger le lait récolté passivement avec du lait récolté activement.

Les sources à consulter

Le meilleur article à mon avis qui explique la relation lactose/gras se trouve sur le site de la LLL juste ici.

Le site Web de LLL ayant aussi d’autres articles pouvant permettre de faire des liens. Celui-ci et celui-là.

On parle aussi de l’impact de la teneur en lactose sur le site de la Canadian Breastfeeding Foundation juste ici.

Quand je parle de pratique clinique (ou travail sur le terrain) on remarque des énoncés sur différents sites de fournisseurs de récolteurs passifs :

“La composition de votre lait variant progressivement tout au long de sa libération, nous vous conseillons de mélanger le lait recueilli dans le recueil lait avec du lait exprimé afin de garantir l’optimisation des bénéfices nutritionnels lorsque vous nourrissez bébé.”

“Vous capturerez probablement principalement du lait de surface…”

Mais on en parle aussi dans certains colloques en allaitement! Par exemple la présentation sur les multiples tire-laits et autres accessoires d’allaitement sur le marché offert par le comité de concertation des groupes d’entraide en allaitement en 2022.

On aborde aussi les diverses notions résumées ici dans la formation offerte aux professionnelles de l’allaitement le site américain de Babies in Common dont l’auteure est la présentatrice Jeanette Mesite Frem du symposium 35e Symposium de la LLL à Montréal.

Pour finir, il y a les articles scientifiques! Voici certaines des sources que je vous invite à consulter :

Evans RW, Fergusson DM, Allardyce RA, Taylor B. Maternal diet and infantile colic in breast-fed infants. Lancet. 1981;1:1340–2.

Clifford TJ, Campbell MK, Speechley KN, Gorodzinsky F. Infant colic: Empirical evidence of the absence of an association with source of early infant nutrition. Arch Pediatr Adolesc Med. 2002;156:1123–8. [PubMed] [Google Scholar]

Hyman PE, Milla PJ, Benninga MA, Davidson GP, Fleisher DF, Taminiau J. Childhood functional gastrointestinal disorders: Neonate/toddler. Gastroenterology. 2006;130:1519–26.

Heyman MB. Lactose intolerance in infants, children, and adolescents. Pediatrics. 2006;118:1279–86.

Dinari G, Nitzan M. [Low-fat milk as a cause of infantile colic and failure-to-thrive in the breast-fed baby]. Harefuah. 1989 Dec 15;117(12):464-6. Hebrew. PMID: 2620892.

Woolridge MW, Fisher C. Colic, “overfeeding”, and symptoms of lactose malabsorption in the breast-fed baby: a possible artifact of feed management? Lancet. 1988 Aug 13;2(8607):382-4. doi: 10.1016/s0140-6736(88)92847-4. PMID: 2899785.

Khan S, Hepworth AR, Prime DK, Lai CT, Trengove NJ, Hartmann PE. Variation in fat, lactose, and protein composition in breast milk over 24 hours: associations with infant feeding patterns. J Hum Lact. 2013 Feb;29(1):81-9. doi: 10.1177/0890334412448841. Epub 2012 Jul 13. PMID: 22797414.

Takumi H, Kato K, Nakanishi H, Tamura M, Ohto-N T, Nagao S, Hirose J. Comprehensive Analysis of Lipid Composition in Human Foremilk and Hindmilk. J Oleo Sci. 2022 Jul 1;71(7):947-957. doi: 10.5650/jos.ess21449. Epub 2022 Jun 10. PMID: 35691839.